Sur la route des couleurs

Textes écrits, pour la plupart, par Madame Géraldine THEVENOT, Conservatrice déléguée des antiquités et objets d’art de la Creuse.

Ahun : peintures murales

L’église paroissiale Saint-Sylvain d’Ahun, classée au titre des monuments historiques en 1992, est composée d’un chevet roman (milieu du XIIe siècle) et d’une nef édifiée au XVIIIe siècle. 
Sa reconstruction fut menée de 1777 à 1781 par l’architecte limousin Joseph Brousseau (1733-1797).
Il élabora un vaisseau voûté d’un berceau en anse de panier en lattis plâtré, ponctué de hautes fenêtres et agrémenté à l’est de deux chapelles à trois pans. 
Il ajouta en façade un portail surmonté d’un clocher octogonal. 
La nef fut décorée de peintures murales ornementales soulignant la nouvelle architecture : sur les murs, un faux appareil gris scandé de faux piliers aux chapiteaux à pointe de diamant ; sur la voûte, un ciel étoilé organisé en quatre compartiments, cernés d’une frise de rinceaux rouges et rythmés par des monogrammes de la Vierge, de saint Sylvain... 
Les chapelles nord et sud sont parées sur leurs murs, de fleurs de lys rouges sur fond blanc, et sur leur voûte, d’un ciel étoilé sur fond bleu ; la chapelle méridionale reçoit le monogramme de saint Sylvain. 
Ce décor peint présente des similitudes avec celui qui orne l’église Notre-Dame d’Argentré-du-Plessis (Ille-et-Vilaine) qui fut également construite par Joseph Brousseau en 1779.
Géraldine Thévenot

Ajain : peintures murales

L’église paroissiale de l’Assomption-de-la-Vierge à Ajain1 a fait l’objet, entre 2005 et 2007, dans la première travée de la nef, d’une campagne de dégagement et de restauration de peintures murales. 
Ces décors du Moyen Age, purement ornementaux, soulignent les différents organes architecturaux à l’aide d’un vocabulaire décoratif précis : sur les murs et voûtes, un faux appareil à simple lit et double joint rouges sur fond blanc est scandé de frises de rinceaux, de palmettes, de peltes2, de quatre-feuilles et quintefeuilles3, de fausses liernes4... 
Cette ornementation décline une gamme de couleur allant des ocres jaunes et rouges au bleu-noir, mais utilise aussi une couleur plus rare, le vert. 
Les autres travées de la nef n’ont pas été restaurées et présentent encore un décor peint du XIXe siècle également ornemental. 
Toutefois, à la lumière des différents sondages effectués, les peintures médiévales sont toujours conservées sous les enduits, attestant d’une même décoration sur l’ensemble de l’édifice ; seul le mur oriental, actuellement dissimulé par le grand retable, est agrémenté de scènes historiées, probablement saint Martial et le martyre de sainte Valérie. 
Cette découverte et cette restauration sont particulièrement intéressantes car elles témoignent du choix d’un programme peint cohérent, essentiellement ornemental sur l’ensemble de la nef, qui est contemporain de la construction de l’édifice au XIIIe siècle et qui s’avère actuellement unique en Creuse.
Géraldine Thévenot
1 : édifice classé au titre des monuments historiques en 1930
2 : motif en forme de croissant
3 : motif ornemental fait de cinq lobes
4 : nervures auxiliaires sur une voûte

Anzème : peintures murales

En 1985 et 1986, le retable de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul d’Anzème a été restauré. 
A cette occasion, des peintures murales ont été découvertes sur le mur oriental, cachées par le retable. 
Elles représentent un Christ en croix dans un décor architectural et datent de la fin du XVIe siècle ou du début du XVIIe siècle. 
Classées au titre des monuments historiques, leur restauration fut confiée à l’atelier Albert Carré. 
En raison de la remise en place du retable, ces décors peints restent aujourd’hui non visibles. 
Toutefois, une partie du décor avait été déposée. 
Il s’agit d’un fragment peint d’un mètre de haut pour une largeur de 18,5 cm, orné d’un visage en grisaille surmonté d’éléments décoratifs. 
Cette délicate opération de dépose a consisté à enlever la peinture du mur et à la coller sur tissus, puis sur un panneau de bois en noyer. 
Bien qu’aujourd’hui ce patrimoine pictural anzêmois reste inaccessible au visiteur, cette restauration a permis de prendre connaissance de nouvelles peintures murales, de les documenter et de les conserver, d’une part, par un nettoyage et des consolidations des scènes peintes restées en place, d’autre part, par la dépose du fragment peint.
Géraldine Thévenot

Glénic : peintures murales

L’église paroissiale de la Nativité-de-la-Vierge de Glénic, classée au titre des monuments historiques en 1989, a été entièrement restaurée en 2005. 
A cette occasion, un décor peint ornant l’ensemble des murs de l’édifice a été mis au jour.
Il est composé, sur les murs et voûtes de la nef, du collège apostolique accompagné d’un passage du credo. 
Chaque apôtre est identifié par son nom inscrit dans un cartel : André, Barthélemy, Jacques le Majeur, Jean, Jude, Mathias, Matthieu, Pierre, Simon ; trois disciples ont disparu : Jacques le Mineur, Philippe et Thomas. 
Sur le mur septentrional de la troisième travée de la nef est figuré l’arbre de la Faute sur lequel s’enroule le serpent au buste de femme ; de chaque côté, Adam et Ève croquent la pomme. 
Sur le mur oriental de la chapelle nord est peinte la Crucifixion : le Christ en croix, au visage incliné et aux longs cheveux roux, est accosté à dextre, de Sa mère Marie, et, à senestre, de saint Jean. 
L’image de la mort est représentée sur le mur méridional de la troisième travée de la nef par un squelette tenant dans sa main droite, un crâne, et, dans sa main gauche, une faux. 
Les voûtes des deuxième et troisième travées de la nef sont agrémentées, pour l’une, d’un soleil symbolisant le jour, pour l’autre, de quatre demi-lunes personnifiées symbolisant la nuit. 
Des croix de consécration peintes sont apposées. Ces peintures murales datent probablement du XVIe siècle.
Géraldine Thévenot

Jouillat : peintures murales

L’église paroissiale Saint-Martial de Jouillat conserve un ensemble de peintures murales du début du XIVe siècle. 
Dans l’abside trône, dans une mandorle1 quadrilobée, le Christ en majesté bénissant de la main droite et tenant le globe de l’univers dans la main gauche. 
Il est encadré des quatre symboles des Évangélistes ; seuls l’ange de saint Matthieu et le lion de saint Marc sont discernables. Cette iconographie célèbre le Christ glorieux, revenu à la fin des temps. 

La troisième travée de la nef est ornée, sur le mur nord, du collège apostolique disposé par paire sur trois registres et surmonté, probablement, de la figuration de Jésus. 

Le mur sud de la même travée était également illustré de différentes scènes organisées en trois registres, mais leur état de conservation très dégradé ne permet pas de proposer des interprétations, excepté pour le registre central du côté droit où pourraient être représentés saint Nicolas et la résurrection miraculeuse des trois enfants.  Trois petits personnages paraissent, en effet, habillés d’un linceul et en prière devant un ou deux personnages.
 
Le mur méridional de la travée droite présente une scène fragmentaire d’un martyre, dont l’attribution reste hasardeuse ; le supplicié, peut-être saint Laurent ou saint Vincent, est allongé nu sur un gril, maintenu à l’aide de piques par deux bourreaux. Au-dessus, le personnage en buste dans des nimbes pourrait être le Christ accueillant l’opprimé et affirmant ainsi la promesse du Paradis éternel découlant du martyre.
Géraldine Thévenot
1 : Mandorle : gloire ovale en forme d’amande entourant le Christ triomphant.

Sainte-Feyre : peintures murales

L’église paroissiale Saint-Symphorien de Sainte-Feyre est ornée de plusieurs décors peints ornementaux et historiés correspondant à plusieurs campagnes de décorations. Le programme le plus important date du XIIIe siècle. 
Il est constitué d’un cycle historié, aujourd’hui lacunaire. 
Sont identifiables : dans le chœur, l’Arrestation du Christ, la Descente aux Limbes, saint Nicolas, la Vierge à l’Enfant, et, dans la nef sur un arc, un calendrier. 
A la fin du Moyen-Age, lorsque la chapelle méridionale fut ajoutée, elle reçut aussi un décor monumental comme le montrent différents sondages. 
Sur le pilier de la 3e travée est peinte une Crucifixion, où le Christ est entouré de la Vierge et de saint Jean. 
Dans la seconde chapelle nord est représenté devant un calvaire, saint Martial, le saint évangélisateur du Limousin. 
La première chapelle nord a été décorée au XVIe siècle d’une image de saint Roch évoquant une dévotion au saint qui protège de la peste. 
Ces multiples décors monumentaux attestent d’un souci renouvelé au cours des siècles pour la peinture murale dans les lieux de culte.
Géraldine Thévenot

Sainte-Feyre : calendrier

Le calendrier se découvre sur un arc doubleau de la nef de l’église paroissiale Saint-Symphorien de Sainte-Feyre.
Il fait partie d’un ensemble de peintures murales du XIIIe siècle. 
Compartimenté en douze saynètes, cet « almanach » représente le cycle des travaux des mois. 
Si les mois de janvier, février, mars et novembre sont lacunaires, le mois d’avril illustre la taille de la vigne (?) ; le mois de mai, la chasse au faucon ; le mois de juin, la fenaison ; le mois de juillet, la moisson ; le mois d’août, le battage du blé ; le mois de septembre, les vendanges et le foulage du raisin ; le mois d’octobre, la glandée ; le mois de décembre, un banquet. 
Cette iconographie médiévale décorait fréquemment les livres d’heures1, mais aussi les édifices sur les voussures des portails et sur les murs ornés de peintures monumentales. 
La Creuse conserve d’autres calendriers peints datant également du Moyen Age dans les églises de Chambonchard et Clairavaux, ainsi que dans les chapelles du Châtelet à Budelière et de Paulhac à Saint-Etienne-de-Fursac.
Géraldine Thévenot
1 : Livres de prières à destination des laïcs pour leur dévotion personnelle.

Saint-Fiel : peintures murales

L’église paroissiale Saint-Fidèle de Saint-Fiel, inscrite au titre des monuments historiques en 1983, a fait l’objet en 1997 d’une campagne de sondages1 en recherche de peintures murales. 
La restauratrice en charge de cette étude, Véronique Legoux, a réalisé deux cent soixante sondages. 
Parmi eux, deux campagnes de décoration attirent l’attention. 
La première est constituée de motifs strictement ornementaux (méandre, grecque, chevron et faux appareil) et d’une scène historiée, aujourd’hui lacunaire. 
Il s’agit du buste d’un personnage auréolé, vêtu d’une tunique bleue, certainement figuré sous une arcature trilobée ; au-dessus court une inscription, trop fragmentaire pour être déchiffrée, mais qui atteste, comme époque de réalisation, la première moitié du XIIIe siècle. 
Le deuxième décor est composé de faux appareils à joints noirs, ainsi que de faux claveaux tricolores (rouge, jaune et blanc), parfois surmontés de dents de scie. 
Cette grammaire décorative est semblable à celle rencontrée dans de nombreuses églises de la région et datée de la fin du Moyen Age. 
L’édifice conserve donc des peintures consécutives à sa construction (XIIIe siècle), recouvertes d’un autre décor peint à la fin du XVe siècle ou au début du XVIe siècle.
Géraldine Thévenot
 
1 : dégagement limité d’un élément, ici de peintures murales à partir de couches d’enduits successifs, souvent sous la forme de petits rectangles.

Saint-Yrieix-les-Bois : peintures murales

Le chœur de l’église paroissiale Saint-Yrieix de Saint-Yrieix-les-Bois est décoré d’un ensemble de peintures murales datant probablement du XVIIIe siècle alliant la couleur et la grisaille1
La voûte de la travée droite est ornée des quatre Evangélistes accompagnés de leur symbole (saint Jean et l’aigle, saint Luc et le taureau, saint Marc et le lion, saint Matthieu et l’ange) ; la voûte de l’abside, de caissons à rosaces en perspective feinte au centre desquels apparaît dans une nuée la colombe du Saint-Esprit entourée d’angelots, et, aux quatre angles, des trophées liturgiques. 
Sur le mur oriental se déploie une fausse architecture traitée en grisaille. 
Ce trompe-l’œil se compose de motifs ornementaux empruntés au vocabulaire architectural : entablement, fronton, niche… 
Dans les ébrasements de la baie axiale sont représentés dans de fausses niches trilobées, à dextre, saint Paul tenant l’épée, à senestre, saint Pierre gardant les clés, tous deux surmontés d’un ange placé également dans une niche. 
Sur l’extrados de la baie est peint un pélican s’immolant pour redonner vie à ses oisillons, symbole du Christ abreuvant de son sang les fidèles.
Géraldine Thévenot
1 : peinture monochrome en camaïeu gris.

Sardent : peintures murales

L’église paroissiale Saint-Martin-de-Tours de Sardent est ornée d’un ensemble de peintures murales issues de deux campagnes distinctes de décoration. 
Bien que le mur oriental du chœur ait été gratté, dans chaque ébrasement de la baie axiale se distinguent encore les décors peints les plus anciens. 
Sous une arcature architecturée gothique, deux personnages en pied sont représentés en pendant : à dextre1, saint Pierre qui tient la clé ; à senestre2, saint Paul serrant contre lui l’épée. 
Ces peintures historiées datent de la fin du Moyen Age. 
À chaque angle de la voûte en berceau du chœur sont peints les quatre évangélistes assis sur une nuée et accompagnés de leur symbole : saint Jean et l’aigle, saint Luc et le taureau, saint Marc et le lion, saint Matthieu et l’ange. 
Ils tiennent un livre sur lequel ils écrivent leur évangile. 
Au centre de la voûte est placée une grande nuée circulaire avec probablement en son milieu la colombe du Saint-Esprit. 
Sur la voûte de la chapelle septentrionale sont présentés en pendant, les cœurs de Jésus et de Marie entourés d’une nuée lumineuse. 
Ces peintures monumentales datent du XVIIIe siècle et sont peut-être l’œuvre d’un atelier itinérant qui aurait également réalisé un programme peint voisin dans l’église de Saint-Yrieix-les-Bois.
Géraldine Thévenot
 
1 : la droite du point de vue des personnages, c’est-à-dire la gauche de la vision du spectateur.
2 : la gauche du point de vue des personnages, c’est-à-dire la droite de la vision du spectateur.

Sous-Parsat : peintures murales

Sous-Parsat : dans notre région, chacun connaît ses peintures contemporaines aux couleurs très vives, dues à G. Chabrat, dans une église du XIXe sans intérêt particulier. Ces peintures, on les adore… ou on les déteste !
Moi, j’aime ! Alors je vous invite à relire cette nativité. Oui, lire, car c’est bien une parole et non une image qui nous est adressée.
  • Une surprise : Jésus est dans la position réelle d’une naissance. Mais sa tête préfigure déjà l’hostie, ronde, blanche, que l’on retrouve dans la fresque de la cène, située en vis-à-vis dans cette église.
  • Les mains ouvertes de Marie nous disent : « je vous l’offre » ! Ses yeux et ceux de Joseph sont ceux de tout parent contemplant en silence son nouveau-né, avec tout le mystère de ce tout-petit être.
  • Les mains des bergers expriment l’adoration, dans la même attitude que les nôtres lorsque nous disons le « Notre Père ». A ce moment, nos mains prennent toute la place de notre corps. De même, leurs immenses mains sont leur parole.
  • La symbolique des couleurs est également centrale. Paix des personnages en bleu. Lumière jaune de Jésus et suintant de toutes les mains. Mais déjà, au loin, s’avance une trace rouge symbolisant les « hostiles » c’est-à-dire Hérode le Grand, voire même préfigurant Hérode Antipas et la croix ?
Jean-Pierre Déchoz