Tableaux et vitraux remarquables de nos églises

Textes écrits par Géraldine THEVENOT, Conservatrice déléguée des antiquités et objets d’art de la Creuse.

Ajain : tableau de l'Assomption

L’église gothique d’Ajain se dresse majestueusement sur une place excentrée du bourg. Sa nef unique conserve peu d’objets mobiliers. 
Toutefois, un imposant retable du XIXe siècle décore le chœur. 
Il est orné d’un tableau mesurant trois mètres de hauteur sur deux mètres soixante de largeur qui, en 1976, a été inscrit au titre des monuments historiques, mais n’a pas suscité, par la suite, un plus grand intérêt. 
Il a pour thème l’Assomption de la Vierge, patronage sous lequel est d’ailleurs placé l’édifice. 
La Vierge est représentée s'élevant au ciel sur une nuée portée par quatre angelots. 
Autour de son tombeau vide, les apôtres assistent, stupéfaits, à la scène. 
Il faut attendre 2008 pour que cette œuvre soit redécouverte lors d’une restauration menée par l’Atelier Auvity, et que son extrême qualité tant technique qu’iconographique soit révélée. 
Datée avec certitude du XVIIe siècle, cette peinture est attribuée à l’entourage de Philippe de Champaigne1, peut-être à son neveu Jean-Baptiste. 
Ces nouvelles connaissances ont motivé, en 2010, son classement au titre des monuments historiques.
Le tableau de l’église d’Ajain est aujourd’hui considéré comme une œuvre prestigieuse qui est conservée dans le département de la Creuse.
Géraldine Thévenot
 
1 : Peintre français (1602-1674) de compositions religieuses et de portraits, un des meilleurs peintres du XVIIe siècle, qui exécuta de nombreuses commandes royales et dont les œuvres restent aujourd’hui célèbres.

Bonnat : tableau de la remise du Rosaire

Au détour d’une rue, l’église Saint-Sylvain de Bonnat (Cl.M.H.1 1924) surprend par son imposant chevet fortifié. 
Une visite intérieure de l’édifice suscite également l’étonnement, à la vue de son imposant retable du XVIIe siècle (Cl.M.H. 1927) qui se dresse dans le chœur. 
En son centre est placé un grand tableau qui représente la Remise du Rosaire à saint Dominique de Guzman. La Vierge, assise sur une vaste nuée entourée d’anges, remet, de sa main droite, le rosaire au dominicain, et tient, sur le bras gauche, l’Enfant qui est tourné vers saint Sylvain. 
Cette peinture n’est pas contemporaine du retable.
Elle a été réalisée par l’artiste Jean-Louis Bézard2 en 1864. Le bas du tableau, en partie caché par le tabernacle du XVIIe siècle, ne permet de lire ni signature, ni date. 
Cette œuvre a remplacé un premier tableau (I.S.M.H.3 1978) illustrant le même thème, qui a été exécuté dans les années 1840 par le peintre Urbain Viguier4 ; il est aujourd’hui accroché au-dessus de la tribune.
Géraldine Thévenot
: classé au titre des monuments historiques.
2 : peintre français d’histoire (1799-1861), natif de Toulouse, grand prix de Rome en 1829.
3 : inscrit au titre des monuments historiques
4 : peintre français de portraits (1803-1877), natif de Niort

Bussière-Dunoise : vitrail du Sacré-Coeur

L’église de Bussière-Dunoise, inscrite au titre des Monuments historiques en 1969, est dédiée à saint Symphorien d’Autun. 
Pourtant, ce n’est pas son saint patron qui est représenté sur le vitrail de la baie axiale de l’abside, mais le Sacré-Cœur. Ce vitrail du 19e siècle, anonyme, illustre, dans une iconographie classique, l’apparition du Christ à sainte Marguerite-Marie Alacoque en 1675 à Paray-le-Monial. 
Le maître-verrier a figuré la visitandine agenouillée dans une chapelle, devant le Christ debout sur une nuée, qui lui montre son cœur. 
À l’entrée du chœur de l’église bussièroise, une grande statue du Christ du Sacré-Cœur datant du 19e siècle est également conservée témoignant de la ferveur des fidèles du lieu pour cette dévotion.
Géraldine Thévenot

La-Chapelle-Taillefert : statue de la Vierge à l'Enfant

L’église de la Chapelle-Taillefert, érigée en collégiale en 1311, était réputée garder le tombeau en cuivre émaillé du cardinal Pierre de La Chapelle-Taillefert. 
Bien que dépouillée au 18e siècle de cette œuvre remarquable, l’église paroissiale Saint-Sébastien et Saint-Roch conserve dans la chapelle méridionale, une autre œuvre de qualité : une statue de la Vierge à l’Enfant en pierre polychrome, d’un peu plus d’un mètre de hauteur, à laquelle, à première vue, on peut ne pas prêter attention. 
La Vierge, aux longs cheveux bruns élégamment coiffés et dont le front bombé est ceint d’une couronne orfévrée et fleurdelisée, est parée d’une robe froncée à la taille ; elle est drapée d’un manteau savamment noué à la gorge et sur les cuisses, délimitant symboliquement le lieu de la maternité. 
Elle présente sur sa poitrine, l’Enfant allongé et nu, qui tient dans sa main gauche, le globe du royaume. Le traitement stylistique et iconographique de cette sculpture indique une réalisation de la première moitié du 16e siècle dont la lecture a été faussée par deux repeints : un repeint de style qui a « modernisé » la statue dans le goût saint-sulpicien1 du 19e siècle, et un repeint de pudeur2.
Géraldine Thévenot
 
1 : Style conventionnel, voire mièvre ; cette expression a pour origine le quartier de l’église Saint-Sulpice à Paris où les magasins d’art religieux vendaient ce type d’articles.
2 : Repeint pour masquer la nudité.

Moutier-d’Ahun : tableau de l'Annonciation

Le pittoresque bourg du Moutier-d’Ahun recèle de nombreux trésors, notamment son ancienne église abbatiale dédiée à l’Assomption-de-la-Très-Sainte-Vierge. 
Ce lieu est réputé pour ses boiseries réalisées par le sculpteur Simon Bouer et classées au titre des Monuments historiques dès 1886.
Parmi ce riche ensemble sculpté se dresse dans le chœur, un retable orné de deux tableaux d’environ 1,75 m de hauteur pour une largeur de 1,25 m. Ces deux huiles sur toile ont pour sujet l’Annonciation. 
Cette scène fréquemment traitée en une seule œuvre, reprend ici la forme d’un diptyque1, chaque peinture étant consacrée à l’un des protagonistes. 
Du côté nord est placé l’archange saint Gabriel qui s’élance vers la Vierge Marie située au sud. 
Elle est représentée debout, auprès d’un agenouilloir2, les bras refermés sur la poitrine en signe d’acceptation du message angélique. 
La composition est d’une grande sobriété, sans détails paysagers et architecturaux, excepté le dallage. 
Ces deux tableaux anonymes, de qualité, paraissent contemporains des boiseries réalisées entre 1673 et 1681. Ils ont été restaurés en 1991 par les Ateliers de la Martre.
Géraldine Thévenot
: œuvre composée en deux compartiments
2 : meuble pour prier

Pionnat : tableau de l'Adoration des Mages

Dans le chœur de l’église Saint-Martin de Pionnat se déploie un important retable1 de la seconde moitié du XVIIe siècle. 
En son centre, il est orné d’un tableau qui représente l’Adoration des Mages, iconographie probablement inspirée d’un tableau de Paul Rubens2
Dans une étable, Joseph et la Vierge qui présente sur ses genoux l’Enfant Jésus, accueillent les trois rois qui se prosternent devant le Nouveau-Né. 
Cette œuvre n’est pas contemporaine du retable. Elle porte, en bas à droite, la date de 1865, et, est signée d’« une Religieuse du Sauveur ». 
L’artiste était une sœur de la congrégation du Sauveur et de la Sainte Vierge, communauté fondée à La Souterraine en 1834 par Mère Marie de Jésus3
Un tableau illustrant la Vierge de l’Immaculée Conception, réalisé en 1851 et signé également d’« une fille du Sauveur », est accroché dans la chapelle du couvent des sœurs du Sauveur et de la Sainte Vierge de La Souterraine.
Il s’agit probablement de la même peintre, restée anonyme.
Géraldine Thévenot
1 : classé au titre des monuments historiques en 1991
2 : Pierre Paul Rubens : illustre peintre flamand né en 1577 et mort en 1640
3 : dans la vie civile : Anne-Rose Joséphine du Bourg (1788-1862)

Sainte-Feyre : peinture murale de la Descente des Limbes

Outre sa fameuse sculpture de sainte Anne trinitaire1, l’église Saint-Symphorien de Sainte-Feyre (I.S.M.H.2 1963) est décorée de peintures murales restaurées en 2007. 
Différentes campagnes d’ornementation sont identifiables, dont deux principales : l’une du XIIIe siècle, l’autre de la fin du Moyen Age. 
Nous nous attarderons ici sur une scène du XIIIe siècle, située sur le mur sud du chœur : La Descente aux Limbes. 
Le Christ, après sa Résurrection, s’est rendu aux portes de l’Enfer pour délivrer les âmes des patriarches de l’Ancienne Loi. Le peintre de Sainte-Feyre a représenté le Christ au nimbe crucifère, vêtu d’un manteau rouge, s’avançant vers plusieurs personnages nus : les Justes. 
Le premier est Adam, reconnaissable à sa barbe. Jésus le saisit par la main ; il est suivi d’Eve, puis des Elus. Derrière eux s’ouvre la gueule de l’Enfer d’où sortent des démons et où sont tourmentés les damnés. 
Cette scène accompagnait tout un cycle historié ornant le chœur (Arrestation du Christ, Vierge à l’Enfant…), mais dont certaines parties sont aujourd’hui lacunaires. 
Ces décors monumentaux gothiques attestent d’une pratique de la peinture murale sur les murs des églises médiévales, dont le département de la Creuse ne fut pas exempt.
Géraldine Thévenot
 
1 : représentation de sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus
2 : inscrit au titre des monuments historiques

Saint-Vaury : retable

L’église Saint-Julien et Saint-Vaulry de Saint-Vaury conserve, encastré dans son abside, un retable armorié de la Passion, classé au titre des Monuments historiques en 1904. 
Ce haut relief en calcaire, d’un peu plus de 2 mètres de hauteur et d’une largeur d’environ 4 mètres, date du XVe siècle. 
Constitué de deux registres séparés par une frise polylobée, il est sculpté, dans sa partie inférieure, d’un réseau d’arcatures aveugles animé, à intervalles réguliers, de quatre niches sous dais abritant la Vierge à l’Enfant, la Vierge de Pitié, peut-être saint Antoine ermite et un personnage non identifié. 
Le registre supérieur est organisé en cinq compartiments : autour d’une scène centrale représentant la Crucifixion, se déploient, à droite, l’Arrestation du Christ au jardin des oliviers, puis le Portement de croix avec en arrière-plan Ponce Pilate qui se lave les mains ; à gauche, la Résurrection, suivie de l’Ascension. 
Malgré un remontage et des mutilations, cette œuvre est d’une grande qualité stylistique et iconographique, comme en témoignent de multiples détails habilement sculptés.
Géraldine Thévenot

Saint-Victor-en-Marche : statue de l'archange saint Michel

Au cours des siècles, l’archange saint Michel a été maintes fois représenté, notamment en peinture et en sculpture. 
Ce mois-ci, nous partons à la découverte de son effigie dans l’église paroissiale Saint-Victor de Saint-Victor-en-Marche (I.S.M.H.1 1936). 
Cet édifice conserve un groupe sculpté de l’archange datant du début du XVIe siècle, qui a été classé au titre des monuments historiques en 1963. 
D’une hauteur de 75 centimètres, il est en pierre polychrome, probablement en calcaire. 
Saint Michel est figuré terrassant le démon. 
Debout, drapé d’un ample manteau vert à revers rouge et revêtu d’une armure richement décorée, le saint est armé d’un petit bouclier circulaire jaune à l’ombilictrès pointu ; il tenait certainement une lance3, aujourd’hui disparue, avec laquelle il triomphait du démon assis à ses pieds, la langue rouge pendante. 
Cette œuvre a été restaurée dans les années 1978-1979 par l’atelier Marcel Maimponte. 
Comme l’indique son traitement stylistique, elle provient du même atelier de sculpture que deux autres statues également conservées dans l’église, qui représentent saint Barthélemy (I.S.M.H. 2012) et peut-être saint Victor (I.S.M.H. 1976). 
Ces trois œuvres sculptées constituent un ensemble de la fin du Moyen Age de grand intérêt.
Géraldine Thévenot
 
1 : inscrit au titre des monuments historiques.
2 : point central et saillant d’un bouclier.
3 : la croix qu’il tient aujourd’hui, a été rajoutée tardivement

Sous-Parsat : peinture murale de la Nativité

C’est au cours des années 1868-1869 que fut édifiée une nouvelle église Saint-Thomas de Cantorbéry à Sous Parsat. De style néo-roman, l’édifice n’avait reçu aucun décor peint. 
De 1986 à 1989, le peintre Gabriel Chabrat, qui avait installé son atelier dans le bourg, offrit de réaliser, bénévolement, un cycle peint pour magnifier les murs immaculés du monument, perpétuant ainsi la tradition médiévale. 
L’artiste a choisi comme thème l’Ancien et le Nouveau Testament, en traitant chaque scène avec des couleurs primaires, suscitant de multiples contrastes. Sur le mur oriental du transept sud est illustrée la Nativité. 
Auprès de saint Joseph, la Vierge aux mains disproportionnées présente l’Enfant nouveau-né ; autour d’eux se pressent hommes et femmes aux mains également disproportionnées, peut-être en signe d’adoration.
Géraldine Thévenot